Histoire
Chemnitz, troisième plus grande ville de Saxe, affiche à nouveau depuis quelques années une croissance démographique. Située au pied des monts Métallifères, elle s’est étendue au cours du siècle dernier depuis la vallée de la rivière Chemnitz jusque sur les collines situées à l’ouest et à l’est. La rivière Chemnitz, qui a donné son nom à la ville et signifie « ruisseau caillouteux », prend naissance aux limites sud de la ville, là ou se rejoignent la Würschnitz et la Zwönitz.
La première mention de Chemnitz sous le nom de « locus Kameniz » remonte à 1143. Le roi Conrad III avait alors octroyé un privilège marchand au monastère bénédictin fondé vers 1136 et dépendant directement de l’Empire. L’existence de ce privilège qui laisse supposer la volonté du roi de fonder une ville ne constitue pas pour autant le document fondateur de la cité médiévale. La ville qui dépendait directement du roi qui ordonna sa construction a probablement vu le jour après les années 1180, avant d’être dotée d’une constitution municipale un siècle plus tard. Après avoir appartenu à l’Empire, la ville devient toutefois la propriété des margraves de Misnie.
Photo: Stadt Chemnitz, Stadtarchiv
Ces derniers lui confèrent au XIVe siècle des privilèges qui lui ont permis de prospérer sur le plan économique. Le privilège du blanchiment octroyé en 1357 revêt ici une importance capitale : il autorise quatre citoyens à installer une blanchisserie au bord de la Chemnitz. Le margrave interdit en outre l’exportation de fil, lin, fil retors ou toile écrue. Chemnitz acquiert ainsi une position centrale pour la production et le commerce du textile. La puissance économique de la ville s’exprime par l’acquisition en 1402 des terres appartenant au monastère et l’achat en 1423 des juridictions hautes et basses, ainsi que des droits de douane appartenant au seigneur.
En 1470, Chemnitz devient pour les huit décennies suivantes devient le site d’une fonderie et d’une forge de cuivre. Nickel Thiele, Ulrich Schütz (dit der Ältere, le vieux) et le fils de ce dernier bâtissent, en lien direct avec l’activité minière des monts Métallifères, un empire empreint des modes de production précapitalistes. Les fonderies et les forges de Chemnitz expliquent la présence des passages correspondants dans l’œuvre majeure de Georgius Agricolas « De re metallica ». Le célèbre savant universel de l’Époque moderne a exercé dès 1531 dans la cité les activités de médecin et de maire.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, plus du tiers de la population de Chemnitz travaille dans la fabrication de textiles où le calicot imprimé va occuper une place très importante. En 1770, Georg Schlüssel, blanchisseur et coloriste, lance l’impression sur calicot qui implique une véritable chaîne de production et annonce l’avènement de la production industrielle. En 1771 l’imprimerie sur calicot Pflugbeil und Co. lui succède. Avec également un négoce de tissus, elle emploiera quelques années plus tard 1 200 personnes et en 1799 elle réalisera des essais de production sur des machines. Les commerçants de coton macédoniens, c’est-à-dire grecs, ont également joué un rôle prépondérant dans cette évolution.
Dans les années 1780 et 1790, les maîtres artisans Christian Wilhelm Forckel, Matthias Frey, Carl Gottlieb Irmscher et Johann Gottlieb Pfaff, entre autres, sonnent le début du passage à la révolution industrielle en Saxe avec leurs inventions et la fabrication de métiers à filer et de cardeuses. Ce mouvement se concrétise ensuite vers 1800 avec les premières filatures de coton des frères Bernhard à Harthau et de Wöhler & Lange. Chemnitz s’affirme alors comme l’un des principaux pôles industriels et devient, comme on le disait déjà en 1817, la première ville industrielle et la deuxième ville marchande du royaume de Saxe.
Dans les années 1830 et 1840, les entreprises des personnalités telles que Carl Gottlieb Haubold, Richard Hartmann, le roi saxon de la locomotive, Louis Schönherr ou Johann Zimmermann marquent de leur empreinte la physionomie de la ville et son développement économique. Une fois raccordée au réseau de chemins de fer en 1852, Chemnitz se transforme de plus en plus en « Manchester saxonne », ce qui lui vaut la description suivante par Berthold Sigismund en 1859 : « [...] à Chemnitz, tout comme aux alentours, les bâtiments industriels règnent en maîtres absolus, dont seulement quelques-uns, parmi les plus récents, semblent vouloir ajouter la beauté à leur utilité. »
La comparaison avec la métropole industrielle anglaise fait alors allusion aux nombreuses cheminées des usines et des fonderies, aux fumées et aux saletés qui s’en échappent, ainsi qu’aux conditions sociales particulièrement misérables. L’expression « Manchester saxonne » reflète également la fierté liée aux performances de l’industrie locale, notamment la construction mécanique, qui allait mettre un terme à l’hégémonie de la concurrence anglaise. La décennie 1860-1870 voit Richard Hartmann et Johann Zimmermann, le père de la construction de machines-outils allemandes, parvenir sur la scène internationale : lors d’expositions universelles, des médailles sont décernées à leurs machines qui n’ont désormais plus rien à envier aux machines anglaises.
Cet essor industriel entraîne le développement de la ville.
Les conditions de circulation à l’intérieur de la ville s’améliorent après 1880 avec l’utilisation du tramway hippomobile, lequel sera remplacé en 1893 par le tramway fonctionnant à l’électricité. La ville est façonnée par de nouveaux ateliers de production qui, avec leurs machines d’entraînement et leurs équipements de production, occupent de vastes espaces. Chemnitz devient un grand centre national de la production textile et de la construction mécanique, et ses produits figurent parmi les plus prisés au monde. Des usines, modernes pour l’époque, voient le jour, comme l’extension de l’usine de construction mécanique Haubold en 1917 et la construction de l’usine Astra fin des années 1920. La société Auto Union implante son siège à Chemnitz en 1936.
La ville connaît une croissance démographique considérable. Chemnitz devient une grande ville en 1883 et 30 ans plus tard seulement, plus de 320 000 personnes y vivent. En 1930, la ville atteint le nombre d’habitants le plus élevé de toute son histoire, avec 360 000 citoyens. Entre 1844 et 1929, le périmètre de la ville s’agrandit considérablement avec le rattachement de 16 communes périphériques. Le quartier Anger (situé derrière l’actuel hôtel « Mercure ») et le Graben (qui s’étend de la Theaterstraße et la Bahnhofstraße jusqu’à la Posthof) sont urbanisés ; des immeubles d’habitation cossus sont construits dans le quartier Kaßberg und la Stollberger Straße, et les quartiers Sonnenberg, Brühl, Südvorstadt et Schlosschemnitz deviennent des quartiers ouvriers.
Le centre-ville connaît lui aussi des mutations propres à une grande ville :
Des commerces, des bureaux, des banques et des compagnies d’assurances s’ouvrent sur les places Am Markt et Johannisplatz, ainsi que dans les rues Poststraße, Theaterstraße et Königstraße. La municipalité construit entre 1883 et 1915 les abattoirs, la halle du marché, la centrale électrique, le Städtisches Museum (musée municipal), la caserne des pompiers, le bureau de prêt, le nouveau théâtre municipal, le nouvel Hôtel de ville, l’usine à gaz, l’hôpital Küchwald, de nombreuses écoles et le vélodrome. Au milieu des années 1930, Chemnitz est reliée au réseau autoroutier.
Pendant la Seconde guerre mondiale, les usines de Chemnitz tournent à nouveau à plein régime pour l’armement. La ville qui connaît les alertes aériennes à partir de 1940 et ses bombardements les plus destructeurs en février 1945 puis le 5 mars. À la fin de la guerre, près de 4 000 personnes avaient péri dans la ville, et le centre et les quartiers périphériques avaient été détruits sur plus de six kilomètres carrés. La reconstruction est abandonnée au milieu de années 1950 au profit d’un nouveau centre-ville plus étendu et à l’aspect totalement différent. De grands quartiers résidentiels sont construits en périphérie de la ville à partir du milieu des années 60, tandis que les immeubles historiques des quartiers des années des fondateurs sont délaissés. Karl-Marx-Stadt, car tel est le nom de Chemnitz de 1953 à 1990, continue d’être un centre de la construction mécanique et compte 315 000 habitants à la fin des années 80.
La transformation politique et économique majeure entamée à l’automne 1989 conduit à l’instauration d’une gestion autonome de la municipalité et à la naissance d’industries plus performantes. Aujourd’hui, la vie économique est largement influencée par des entreprises innovantes de taille moyenne et des start-ups. La physionomie de la ville a changé avec la construction d’immeubles d’habitation et commerciaux, la réhabilitation de quartiers résidentiels riches d’histoire, comme le Kaßberg et le Sonnenberg, et de bâtiments classés, mais surtout le réaménagement du cœur de la ville.